L'habilitation à diriger des recherches (HDR) est un diplôme national de l'enseignement supérieur qu'il est possible d'obtenir après un doctorat. Depuis 1984, il est le plus haut des diplômes français. Il permet d'encadrer des équipes de recherches et des jeunes chercheurs, notamment en tant que Directeur de thèse. C’est le cas depuis le 2 avril pour Audrey Missonier, professeur associé au Groupe Sup de Co Montpellier Business School, qui a soutenu son mémoire de HDR intitulé « Relations stratégiques inter-organisationnelles : quels processus de gestion des tensions paradoxales ? Réflexion sur une mise en œuvre ». Elle nous raconte les motivations et les ressorts de ses nouvelles missions.
Entretien avec Audrey Missonier : « c’est une étape très importante qui permet de prendre du recul sur ses travaux et de déployer une stratégie de recherche pour l’avenir »
Que représente pour vous une HDR ?
C’est un bilan de parcours depuis la soutenance de la thèse de doctorat. Le chercheur présente le fil conducteur qui a animé l’ensemble de ses recherches. Et parallèlement, il propose un programme de recherche en vue d’encadrer des jeunes chercheurs, des doctorants et des équipes de recherche. J’ai soutenu mon mémoire de HDR, qui est un diplôme universitaire, en partenariat avec Aix Marseille Université. Actuellement, en collaboration avec le professeur Gilles Guieu (Aix Marseille Université), j’encadre les travaux d’Anne-Sophie Thelisson, qui a rejoint le Groupe il y a quelques jours, en tant qu’Assistante Chercheuse Doctorante.
Que vous apporte cette HDR ?
C’est une démarche à la fois professionnelle et personnelle passionnante. Pour un chercheur, c’est une étape importante qui permet de prendre du recul sur ses travaux et de déployer une stratégie de recherche pour l’avenir. Cela m’apporte également une certaine maturité dans la responsabilité d’encadrement de jeunes chercheurs. Enfin, c’est un excellent facteur de développement du réseau relationnel et professionnel du chercheur en vue de collaborations futures.
Comment décrypter votre thématique de recherche « Relations stratégiques inter-organisationnelles : quels processus de Gestion des tensions paradoxales ? Réflexion sur une mise en œuvre » ?
Il s’agit de l’étude des tensions paradoxales (deux éléments sont en contradiction, et dans le même temps s’enrichissent l’un de l’autre) dans des stratégies inter-organisationnelles (fusion, alliances, partenariats…). Je démontre au regard de cas concrets que dans ce type de stratégie, il existe des tensions paradoxales qui, une fois équilibrées, peuvent être créatives de valeur et sources d’innovation. C’est une autre manière de penser la stratégie que d’arriver à trouver un équilibre entre des forces opposées.
Quelle place occupe la thématique « stratégies et études des paradoxes » dans le monde de la recherche ?
C’est un thème d’actualité. La littérature en Sciences de Gestion sur les tensions paradoxales augmente de 10% chaque année. Il y a de nombreux numéros spéciaux scientifiques de rang A (publication dans une revue internationale avec comité de lecture) et de rang B à l’international, dans le cadre de "special issues ", qui lancent des appels à publication sur la thématique du management des paradoxes. En définitive, c’est un thème auquel je crois profondément.
Quel est l’impact actuel de ce thème au sein des organisations ?
La thématique des paradoxes n’est pas nouvelle, comme le démontre la profusion d’œuvres philosophiques et sociologiques sur le sujet. Mais pour les organisations, c’est une autre manière de concevoir la stratégie dans notre contexte économique. Les organisations sont confrontées à des exigences contradictoires : trouver un équilibre entre « collaboration / contrôle », « individuel / collectif », « confiance / méfiance », « flexibilité / efficacité », « exploration / exploitation », « construire l’avenir / assurer le présent », par exemple. Dès lors, la vraie question de fond est : oui, mais comment les gérer ? Cette problématique suscite l’attention des chercheurs et des praticiens. Un des premiers éléments clés de réponse est la notion d’équilibre et c’est bien toute la difficulté : trouver un processus de gestion équilibré des tensions en contradiction. Dès lors que les acteurs de l’entreprise y parviennent (cela suppose en général une certaine ouverture d’esprit et le désir de sortir des « sentiers battus »), l’entreprise détient une source de créativité qui peut devenir un atout puissant par rapport à la concurrence.
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